Présenté dans le cadre de la plénière INGSA2021 - Where to from here? Les prochaines étapes pour l'INGSA, les présentations de prix et les annonces.

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Peter, mille mercis pour cet éloquent résumé des réalisations de l’INGSA depuis sa création en 2014. Cette réussite est due en grande partie à ton dévouement et à ta passion pour le conseil scientifique ... Tu demeures la figure du conseiller scientifique à travers le monde.

Si l’INGSA est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est surtout grâce à toi, à un ensemble de partenaires dévoués dans les divisions et les chapitres de l’organisation, ainsi qu’à des commanditaires de longue date comme le Wellcome Trust et le CRDI.

C’est un énorme défi pour moi que de prendre la relève de la présidence, et je n’y arriverai qu’avec le soutien de tous les membres de notre communauté grandissante. Merci encore pour tout Peter et bonne chance à la présidence du Conseil international des sciences. L’INGSA a toujours eu de bonnes relations avec son organisation mère, et nous espérons mener notre collaboration encore plus loin dans les années à venir.

Je voudrais maintenant vous présenter brièvement mes priorités pour les deux prochaines années. Il est encore tôt; celles-ci vont sans doute évoluer après que j’aie discuté avec notre nouveau conseil d’administration et consulté nos membres. Je compte sur vous.

Je n’ai pas encore eu le temps d’assimiler ni d’intégrer les discussions enrichissantes des trois derniers jours sur la transdisciplinarité, les aspects éthiques du conseil scientifique, l’analyse prospective, le maintien de la confiance et de la transparence en situation d’urgence, et la coproduction d’avis scientifiques avec les citoyens, pour ne nommer que quelques-uns des thèmes soulevés. Je prendrai le temps de bien réfléchir à tout cela.

Trois grandes priorités s’imposent à moi :

Premièrement, la gouvernance et la consolidation de l’organisation, incluant le renforcement de nos ressources humaines et de nos finances.

Deuxièmement, l’influence du contexte culturel et linguistique sur la pratique du conseil scientifique.

Troisièmement, l’exercice du conseil scientifique à différents niveaux de gouvernement – à l’échelle mondiale, nationale, régionale et locale, incluant la participation citoyenne. Nous devrons trouver des moyens pour mieux déployer nos pratiques à tous ces niveaux.

Commençons par les deux dernières priorités.

L’influence du contexte culturel et linguistique sur le conseil scientifique

Cela peut sembler étrange à la plupart d’entre vous : après tout, « un avis scientifique, c’est un avis scientifique ». Détrompez-vous.

Depuis mes débuts à l’INGSA, je me suis donné pour mission de mieux prendre en compte le contexte culturel et linguistique dans nos approches. La langue et la culture influencent notre façon de voir le monde et, même si la science se veut aussi universelle que possible, la collecte des données, leur présentation et la façon dont elles sont reçues dépendent du contexte. Il faut reconnaître cette réalité pour prétendre à une compréhension globale des politiques informées par les données probantes et relever ensemble des défis qui nous dépassent individuellement. On est en plein dans la diplomatie scientifique!

De plus, il ne faut pas négliger l’influence considérable des pratiques culturelles sur la propension des autorités à suivre des avis et sur l’appui que la population peut leur conférer. Je l’ai constaté ici, au Canada, mais je suis convaincu que mes collègues d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique et d’Europe peuvent en témoigner aussi. Pour réussir, il faudra impliquer davantage les experts en sciences sociales et en sciences humaines dans toutes nos activités.

À plusieurs égards, les pays anglophones ont en général une longueur d’avance quant aux structures organisationnelles relatives au conseil scientifique, et ce, grâce aux réseaux actifs dans lesquels on peut apprendre des autres et partager les bonnes pratiques. Un acquis qui s’expliquerait, du moins en partie, par la création des réseaux scientifiques au sein du Commonwealth il y a de cela plusieurs années.

Cet avantage nous a sauté aux yeux pendant la pandémie : les pays anglophones ont vite échangé des données et des idées, en tenant pour acquis que la langue de Shakespeare était aussi celle de la recherche. En tant que scientifique en chef du Québec, j’ai toutefois noté l’absence de tels échanges – du moins entre pays francophones –, ce qui m’a incité à organiser quelques rencontres pour palier ce manque.

J’aimerais en apprendre davantage sur les expériences vécues en Amérique latine et ailleurs, notamment dans les sous-régions asiatiques. Si celles-ci n’ont pas de langue commune, leurs similarités culturelles sont-elles assez fortes pour faciliter les échanges d’information et la mobilisation des connaissances au-delà des frontières ? La collaboration récente de l’INGSA avec un groupe de conseillers et conseillères scientifiques de l’Asie du Sud-Est constitue une piste intéressante à cet égard.

Pour ma part, ces observations et ces expériences m’ont convaincu de la nécessité d’aller de l’avant. Et quel est le meilleur point de départ pour un Québécois, sinon la communauté francophone? Demain, nous consacrerons toute une journée aux enjeux liés au conseil scientifique dans la francophonie. Je présenterai une nouvelle initiative déployée au sein de l’INGSA. Elle prendra la forme d’un réseau développé sous la tutelle d’un comité d'orientation formé de représentants et représentantes de différents pays et présidé par le professeur Lassina Zerbo du Burkina Faso. D’autres informations suivront à ce sujet dans les prochains mois, et un appel de propositions sera lancé par les Fonds de recherche du Québec en partenariat avec l’INGSA.

J’espère voir émerger d’autres réseaux de la sorte au sein de l’INGSA. Oserions-nous même rêver à un réseau international des conseillères et conseillers scientifiques autochtones qui ouvrirait la porte à une véritable diversité épistémique, et à des façons de faire totalement différentes ? L’INGSA, comme réseau de réseaux, pourrait être le berceau de cette initiative qui nous ferait tous et toutes grandir.

Le conseil scientifique aux différents paliers de gouvernement : du mondial au local

On a touché à ce thème central lors de certains panels cette semaine. La dimension contextuelle prend aussi toute son importance lorsqu’il s’agit d’exercer le conseil scientifique à différents paliers de gouvernement. Chacun d’entre eux a des priorités et des contraintes qui lui sont propres, et qui influencent la façon d’analyser les problèmes et de proposer des solutions. Cela s’applique à toutes les échelles : mondiales, nationales, régionales, locales et municipales. Nous avons beau le savoir, il arrive que nous ne tenions pas compte de ce fait et que cela entraine des frustrations ici et là.

Au Canada, la gestion des systèmes de santé et d’éducation sont de compétence provinciale. La pandémie a mis au jour les disparités parfois fortes entre les recommandations du fédéral et les décisions et mesures prises par les provinces. Trop souvent, cela a créé de la confusion auprès des autorités locales et de leur personnel en charge d’appliquer les protocoles.

Les fonctionnaires et les élus des collectivités locales doivent mettre en œuvre des règlements et des directives établies par des instances supérieures, souvent sans bénéficier d’une expertise scientifique solide, ni d’un conseiller ou d’une conseillère scientifique. Bien sûr, ils peuvent s’associer à des scientifiques du milieu universitaire, mais, en général, cela ne suffit pas pour élaborer et mettre en œuvre des interventions optimales en temps de crise.

Les FRQ ont récemment établi des liens étroits avec la Ville de Montréal et d’autres villes du Québec en vue de renforcer leur capacité interne en matière de conseil scientifique. La mairesse Plante y a d’ailleurs fait référence dans son mot d’ouverture.

Serait-il possible d’aller encore plus loin et d’avoir des scientifiques en chef ou leurs équivalents dans les collectivités locales pour bâtir une expertise à long terme? Quels sont les modèles actuels et les pratiques exemplaires en la matière dans les métropoles mondiales? Grâce à l’INGSA et à ses partenariats avec d’autres organisations internationales, nous pouvons apprendre, diffuser des pratiques et renforcer les capacités. Après tout, c’est souvent dans les collectivités locales qu’on passe à l’action… Il n’y a qu’à penser à la crise climatique et aux objectifs de développement durable (ODD)!

À l’INGSA, nous pouvons en faire plus pour aider à repérer les défis et travailler avec les leaders municipaux et des scientifiques afin de renforcer les capacités en conseil scientifique à l’échelle locale, celle qui demeure la plus proche de nos concitoyens et concitoyennes.

À ce sujet, j’espère que l’INGSA envisagera d’élaborer une stratégie ambitieuse pour promouvoir une participation citoyenne accrue dans notre organisation. Comme l’a rappelé J. Wilsdon hier, c’est, dans une certaine mesure, à cette fin que l’INGSA a été créée. D’ailleurs, une forte implication du public en matière de conseil scientifique, en écho aux plus hautes instances de gouvernance, contribuerait à la lutte contre la désinformation et la perte de confiance dans la science et envers les scientifiques, un problème majeur abordé par Peter dans sa présentation. Confiance, transparence, honnêteté et collaboration sont des concepts clés à déployer pour interpeler directement nos citoyens et citoyennes de tous les âges et de toutes les cultures. Nous devons mieux expliquer les particularités de la démarche scientifique et nous appliquer à devenir des passeurs neutres et désintéressés, des ‘honest brokers‘ comme le définit Roger Pielke.

Permettez-moi de revenir sur la gouvernance et la consolidation de l’INGSA.

Cela peut sembler un sujet assez banal, voire plutôt ennuyeux, sur lequel conclure, mais j’insiste pour dire que l’avenir de l’INGSA en dépend. Notre nouvelle gouvernance permettra une gestion saine et ouverte, qui s’accompagnera de cibles stratégiques.

Grâce au travail mené par le siège social en Nouvelle-Zélande, nous avons fait d’énormes progrès ces derniers mois. Concrètement, par le biais de nouveaux règlements, l’INGSA s’est dotée d’un conseil d’administration. Et je suis ravi d’annoncer aujourd’hui le nom des trois vice-présidents récemment élus par les membres :

  1. Dr. professeure Claire Craig (Royaume-Uni), Vice-présidente, Données probantes ;
  2. Dr. professeur Binyam Sisay Mendisu (Éthiopie), Vice-président, Renforcement des capacités ;
  3. Dr. Soledad Quiroz-Valenzuela (Chili), Vice-présidente, Politique .

Ensemble, félicitons les nouveaux membres de notre conseil d’administration. Vous trouverez leurs CV et biographies sur le site Web de l’INGSA.

Je tiens à remercier les autres candidats et candidates qui ont proposé leur candidature à l’élection. Sachez bien que ce n’est que partie remise : nous ferons appel à votre expertise très bientôt!

Le conseil d’administration de l’INGSA comprend également des postes non élus, utiles pour faire rayonner l’organisation au sein des antennes régionales du réseau et pour formaliser nos relations avec la Global Young Academy. Nous pourrons ainsi porter notre attention sur des régions qui ont toute leur importance comme les États insulaires en voie de développement, et sur d’autres enjeux auxquels les divisions de l’INGSA se consacrent.

Dans les mois à venir, je travaillerai avec le nouveau conseil d’administration à l’élaboration d’un plan stratégique robuste pour élargir et rehausser la portée de l’INGSA, ce qui va de pair avec sa pérennisation et la diversification de ses partenariats.

Nous solliciterons la contribution des membres à différentes étapes de la planification stratégique. Ce plan ne sera pas le mien, mais le nôtre! Quand je pense à notre petit, mais très efficace siège social dirigé par Kristiann Allen et Grant Mills à Auckland, à notre nouveau conseil d’administration et au membership diversifié et enthousiaste de l’INGSA, j’entrevois un avenir prospère pour notre réseau et toutes les possibilités qui se présentent à nous.

Merci et au plaisir de travailler avec vous.

Rémi Quirion
Scientifique en chef du Québec